Je voudrais, une nouvelle fois, clarifier les difficultés posées par les navires de croisière à Venise, difficultés parmi lesquelles se trouvent
- d’une part le passage et l’accostage des navires de croisière à Venise.
- Et d’autre part, les problèmes que connaît Venise, dont la pollution atmosphérique, la fragilisation des fondations immergées et le tourisme de masse.
Loin de moi l’idée de dédouaner les navires de croisière de leurs méfaits, mais j’aimerai tant vous faire partager ma conviction que le véritable problème est ailleurs. Réagissons avec notre raison et pas avec nos émotions. Alors, voyons cela ensemble.
Les navires de croisière à Venise
Les navires de croisière sont d’immenses paquebots, construits pour la haute mer. Par nature, ils n’ont rien à faire dans une lagune à l’écosystème fragile et instable. Et encore moins à traverser le bassin de Saint Marc. Que peut-on leur reprocher ?
- Une pollution visuelle : Oui
- Une pollution atmosphérique : Oui, mais davantage que les autres bateaux plus petits ? Pas sûr.
- Un risque d’échouage ou d’accident : Oui
- Une fragilisation des fondations immergées : Oui, un peu mais pas les seuls
- Une contribution au tourisme de masse : Oui, un peu, mais pas autant qu’on l’imagine.
Nous verrons tout cela en détail plus bas. Et si l’on a prévu de dérouter bientôt (?) les grands bateaux vers le port de Marghera, je vous le dis, cela ne résoudra rien et, selon moi, ne fera qu’empirer le problème. En effet, on ne verra plus de navires dans le bassin de Saint Marc (tant mieux) mais on en verra davantage dans la lagune. Eh oui, davantage en effet. Lesquels ?
- ceux qui iront accoster à Marghera
- + ceux qui continueront d’accoster à Venise.
Sous couvert de dérouter les bateaux, on crée un second port d’accueil, tout en laissant en fonction le premier, donc deux ports au lieu d’un, donc davantage de quais de débarquement. De plus, le trafic des bus ou des vaporettos augmentera considérablement pour faire transiter vers Venise tous les usagers débarqués à Marghera. Pour vous donner un ordre d’idée, cinq-six navires de croisière, c’est 10 000 personnes à transférer !
Donc, oui, les bateaux de croisière posent de sérieux problèmes. Oui, il convient de les limiter voire de les supprimer de la lagune. Mais, je l’ai déjà dit et je le répète, tous les problèmes évoqués plus haut ne sont pas le fait des seuls navires de croisière sur lesquels on se focalise trop facilement. Les navires de croisière ne doivent pas être un bouc émissaire qui nous masque la réalité profonde des problèmes. Supprimons les navires de croisière et les problèmes persisteront à l’identique.
Comprendre les problèmes de Venise
Pollution atmosphérique
La pollution n’est pas due aux seuls navires de croisière (qui possèdent par ailleurs un système de filtre de leurs fumées). En effet, sachez que la pollution à Venise est plus importante l’hiver que l’été, hiver où les navires de croisière sont bien moins nombreux, voire absents. D’ailleurs, faites le test en toute saison : Installez-vous quelques temps vers l’église de la Pietà (San Zaccaria) et vous sentirez par moment des bouffées d’odeur âcre de fioul, lorsque le vent souffle du sud. Or, il n’y a pas de navires de croisière ici, mais des vaporettos et autres bateaux qui croisent dans la lagune et vers la Brenta, etc. Notons aussi que ceux-ci ne possèdent aucun filtre de fumées.
Acceptons l’évidence, la pollution n’est pas le seul fait des navires de croisière, loin de là.
Fragilisation des fondations immergées
Les fondations des édifices, des quais, des ponts fatiguent un peu partout dans Venise, y compris dans les petits canaux où l’action des navires de croisière est absolument nulle. Cela est facilement observable. Cet affaiblissement des fondations immergées est dû à un sous-sol meuble et, en partie, aux mouvements des hélices de barques. Celles-ci créent des ondes qui viennent heurter les murs immergés et finissent à la longue par désolidariser les pierres. Ajoutons à cela l’action néfaste du sel de l’eau et de l’air.
Les navires de croisière n’interviennent que partiellement et localement dans la fragilisation des fondations immergées.
Contribution au tourisme de masse
En 2017, (venetoeconomia.it) Venise a accueilli 28 millions de visiteurs dans l’année.
Si on interdisait entièrement les navires de croisière à Venise, le tourisme de masse n’en serait que très peu affecté. En effet, les bateaux de croisière apportent environ 1,5 à 2 millions de passagers par an sur les 28 millions de touristes annuels. Une proportion minime, on doit en convenir. Et la preuve, c’est que lors du pont du 1er novembre 2017, Venise a connu une saturation dantesque de touristes, alors qu’il n’y avait pas de navires de croisière.
Il faut se rendre à l’évidence, les navires de croisière interviennent pour une faible part dans le tourisme de masse. Certains l’estiment à 6%.
Navires de croisière Vs Problèmes à Venise
Autrement dit, oui les navires de croisière contribuent aux problèmes que rencontre Venise (pollution, fragilisation, tourisme de masse). Mais non, ils ne sont pas responsables de tous les maux, peu s’en faut. Il faut donc faire un distingo entre les problèmes occasionnés par les navires de croisière, bien réels encore une fois, et les problèmes fondamentaux de Venise. Ce sont là deux notions différentes et séparées.
On doit soutenir la lutte contre le passage des navires de croisière dans la lagune vénitienne mais avec la conscience que l’essentiel des problèmes est ailleurs. Et si l’on parvenait à interdire purement et simplement les navires de croisière (on peut rêver), malheureusement les mêmes problèmes persisteraient (pollution, fragilisation des fondations immergées, tourisme de masse).
Il reste encore un certain chemin à faire.