J’ai hésité longtemps avant d’en parler. Hésité parce que j’écris peu de billets d’humeur, vous l’avez remarqué.
Hésité, parce que j’aime Venise et la Vénétie, avec ses villes de Vérone, Trévise, Vicenza, Padoue, son delta du Pô, ses montagnes, ses villas palladiennes, ses châteaux, ses bourgs médiévaux, ses musées, ses universités, sa production agricole, ses entreprises et les vénitiens que je connais si bien.
Or il se trouve que la Vénétie consulte ses habitants par référendum en ligne sur son indépendance, du 16 au 21 mars 2014. Pour votre information, la Catalogne espagnole et l’Ecosse demanderont bientôt leur indépendance par référendum.
J’aurais aimé que ce fut un poisson d’avril, mais non. Les vénitiens sont réellement appelés à se prononcer, en ligne, sur leur indépendance. Une grande manifestation est prévue le dimanche 23 mars 2014 à Padoue.
Bien sûr, le résultat des urnes n’impliquera nullement la sécession avec l’Italie. En Vénétie, cette consultation n’aura aucune conséquence juridique, mais elle pèsera lourdement dans les relations politiques et économiques avec l’état mère, avec les autres régions et avec l’Europe.
Pourquoi une telle idée d’indépendance ?
Selon certains dirigeants politiques, seraient en cause la mauvaise gestion du pouvoir central de Rome et le Sud italien qui reçoit trop d’aides et coûte trop cher aux régions actives.
En résumé, la Vénétie ne veut plus partager ses richesses économiques selon les critères actuels.
Je ne me prononcerai pas sur les choix politiques de ce pays.
Le refus du partage
Mais quelque chose me gêne énormément. C’est qu’en diffusant l’idée de l’indépendance, je ne suis pas sûr que chacun la comprenne de la même manière et j’ai peur qu’on ouvre ainsi la boîte de Pandore. Car après tout, sur le fond, l’idée qui se développe, c’est le refus du partage. Or le partage, la solidarité sont le socle de toute société. Sinon, on a affaire à une somme d’individualismes qui tirent chacun dans leur propre sens, mais ce n’est pas une société.
Pour être honnête, je dois dire que certains parlent plutôt de refus, non pas du partage, mais du gaspillage. Mmmoui…
D’ailleurs ce refus du partage orienté vers l’extérieur de la Vénétie ne s’appliquera-t-il pas un jour à l’intérieur de la région ? A quand un référendum à l’intérieur de la Vénétie, sur l’indépendance des hommes d’affaire qui ne voudront plus payer leur taxes ou leurs impôts destinés à l’aide aux vénitiens démunis ou à l’éducation des enfants ? Vous verrez, cela arrivera.
C’est la déliquescence de l’idée de société qui me dérange, l’idée qu’on n’aurait pas besoin des autres pour exister et se développer. L’idée que, parce qu’on vit dans la région économiquement la plus riche, on en a marre d’aider les autres. L’idée que, parce qu’on est les plus forts, on ne veut plus s’occuper des autres.
Le sens de l’histoire n’est pas vers l’individualisme, ce qui fait la grandeur de l’Homme n’est pas le repli sur soi mais au contraire, l’ouverture aux autres et la fraternité.
J’ose le rêver encore.
Le résultat de ce référendum virtuel n’aura aucune valeur légale, je l’ai dit. Mais il prépare clairement la demande officielle d’indépendance, qui ne saurait tarder.
Bon, la prochaine fois que j’invite des amis, je garde tout le gâteau pour moi.
Merci pour ton excellente analyse. Garibaldi et les chantres de l’Unité Italienne doivent se retourner dans leurs tombes.